Pacte Dutreil : Définition, modalités et fiscalité

📝 Modifié le 21/03/2024 | Par Didier Majerowiez (Avocat)

Le Pacte Dutreil a pour finalité de développer les transmissions d’entreprises familiales.

La mise en place d’un pacte Dutreil permet d’obtenir une exonération partielle à hauteur de 75% des droits de mutation à titre gratuit.

Ainsi, en cas de transmission d’une entreprise ou des titres d’une société, que ce soit par voie de donation ou de succession, 25% de la valeur de l’entreprise ou des titres est soumise aux droits de mutation à titre gratuit.

Cela permet de réaliser des économies d’impôt substantielles au moment de la cession d’une entreprise à titre gratuit.

Pacte Dutreil : Explication

Conditions du Pacte Dutreil

La mise en place d’un pacte Dutreil suppose de respecter des conditions prévues à l’article 787 B du code général des impôts.

En premier lieu, l’entreprise transmise, ou la société dont les titres sont cédés à titre gratuit, doit exercer une activité opérationnelle. Il peut s’agir d’une activité industrielle, commerciale, libérale, agricole ou artisanale.

A contrario, les entreprises exerçant une activité purement civile (telle que la gestion d’un patrimoine immobilier) ne sont pas éligibles au dispositif.

En revanche, l’administration fiscale a précisé que certaines activités de nature civile peuvent être éligibles au pacte Dutreil, telles que les activités de construction-vente d’immeubles, ou encore les activités de marchands de biens (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10).

A noter que dans dans un arrêt en date du 1er juin 2023 (Cass. Com. 1er juin 2023, n°22-15.152 F-D), la Cour de cassation a pris le soin de contredire la doctrine administrative, en jugeant que l’activité de location d’établissements commerciaux serait éligible au régime Dutreil.

La même position a été adoptée par la Cour de Cassation, dans un arrêt daté du 21 juin 2023, pour l’activité de location en meublé réalisée à travers une société (Cass. Com. 21 juin 2023, n°21.18.226 F-D).

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé dans un arrêt en date du 29 septembre 2023 (CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 29/09/2023, 473972), qu’aucune disposition légale ne permet de dénier le caractère d’activité commerciale à l’activité de location de locaux meublés à usage d’habitation.

Or, la loi de finances pour 2024 a formellement validé la position exprimée par l’administration fiscale dans sa doctrine administrative, faisant ainsi désormais échec à ces arrêts de jurisprudence.

Ne sont désormais plus éligibles au dispositif Dutreil les activités de location meublée, ainsi que les locations d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation (location de locaux équipés).

Cela étant, il est possible d’abandonner une activité, ou d’exercer plusieurs activités nouvelles en cours de vie du pacte Dutreil, à condition que l’activité opérationnelle demeure prépondérante pendant toute la durée des engagements de conservation.

A noter par ailleurs que les holdings animatrices sont éligibles au dispositif du Pacte Dutreil. Ce point a été inscrit formellement dans la loi de finances pour 2024.

En second lieu, les signataires du pacte Dutreil sont tenus de respecter un engagement collectif de conservation (ECC) des titres de la société pendant une durée minimale de deux ans à compter de la date d’enregistrement du pacte Dutreil.

Pour les sociétés non cotées, l’ECC doit porter sur 17% des droits financiers et 34% des droits de vote. Pour les sociétés cotées, les seuils sont respectivement de 10% et de 20%.

En troisième lieu, l’un des bénéficiaires doit nécessairement poursuivre l’exploitation de l’entreprise durant toute la durée de l’engagement de conservation.

A noter que lorsque les conditions de détention du capital sont respectées avant la conclusion du pacte Dutreil, l’engagement collectif est alors « réputé acquis ».

C’est le cas notamment si le chef d’entreprise détenait au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote d’une société non cotée depuis au moins deux ans, et exerçait son activité principale au sein de la société.

Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de respecter à nouveau les conditions précitées durant deux années.

A noter également que depuis le 1er janvier 2019, l’associé d’une société unipersonnelle peut prendre un engagement unilatéral de conservation pour lui-même et ses ayants-cause à titre gratuit.

En quatrième lieu, chaque bénéficiaire (héritier, donataire, légataire) est tenue de prendre un engagement individuel de conservation (EIC), dans la déclaration de succession ou dans l’acte de donation, pour une durée minimale de quatre ans à compter de la fin de l’ECC (ou à compter de la signature du pacte Dutreil si l’engagement est réputé acquis).

En cinquième lieu, l’un des bénéficiaires doit exercer son activité professionnelle principale (s’il s’agit d’une entreprise individuelle ou d’une société de personnes) ou une fonction de direction (s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés), pendant au moins trois années à compter de la transmission à titre gratuit.

A noter qu’en cas d’engagement collectif réputé acquis, l’exonération n’est applicable que si l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement son activité principale au sein de la société dont les titres sont transmis (s’il s’agit d’une société de personnes), ou l’une des fonctions de direction prévues par l’article 975 III du code général des impôts (s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés), et ce, pendant les trois années qui suivent la date de la transmission.

C’est ce qu’a récemment jugé la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 24 janv. 2024, FS-B, n° 22-10.413).

Autrement dit, en cas d’engagement collectif réputé acquis, le donateur ne peut pas exercer seul l’une des fonctions de direction éligibles pendant les trois années qui suivent la transmission. La fonction de direction doit être exercée par l’un des bénéficiaires de la transmission (héritier, donataire ou légataire).

Toutefois, cela n’exclut pas qu’un autre associé, – y compris le donateur -, exerce également la fonction de direction avec l’un des bénéficiaires de la transmission (il pourrait ainsi y avoir une codirection).

Formalités de mise en place du pacte Dutreil

Le redevable est tenu de respecter des obligations déclaratives pour pouvoir bénéficier de l’exonération de 75% des droits de mutation à titre gratuit sur les titres transmis.

Au moment de la transmission de l’entreprise ou des titres, une attestation doit être remise au redevable certifiant que l’ECC est en cours, et que les seuils de détention précitées sont bien respectés à cette date.

Cette attestation est remise par l’entreprise ou la société dont les titres sont transmis.

Postérieurement à la transmission, l’entreprise ou la société doit communiquer au redevable une attestation en cas de demande de l’administration fiscale.

Dans l’hypothèse où l’administration fiscale réclamerait la production de l’attestation, le redevable devrait alors réclamer ce document à la société dont les titres sont transmis pour satisfaire à cette demande (la réponse doit intervenir dans un délai de 3 mois).

Une attestation peut également être communiquée spontanément au redevable à l’issue de la période individuelle de conservation des titres.

Si l’ECC ou l’EIC n’est pas respecté, l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit peut alors être remise en cause par l’administration fiscale.

C’est le cas notamment en cas de cession à titre onéreux des titres soumis à engagement de conservation durant l’ECC ou l’EIC, ou en cas de non-respect des seuils précités durant l’ECC.

En pareille hypothèse, le redevable serait tenu d’acquitter le complément de droits de mutation à titre gratuit qui a bénéficié de l’exonération partielle, outre des intérêts de retard au taux de 0,2% par mois (2,4% par an).

En cas de non-respect des conditions du pacte Dutreil, il pourrait être envisagé d’adresser une demande de mise en conformité auprès de l’administration fiscale.

Pacte Dutreil

Foire aux questions

Comment fonctionne le pacte Dutreil ?

Le pacte Dutreil permet de bénéficier d’un abattement de 75% pour le calcul de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de souscrire à des engagements de conservation, et à condition que l’un des signataires du pacte assume la direction de la société.

Ce régime de faveur ne concerne que les transmissions d’entreprise.

Lorsque les titres, faisant l’objet de la mutation à titre gratuit, sont des parts sociales ou des actions, il faut alors que la société exerce une activité opérationnelle (industrielle, agricole, artisanale, commerciale ou libérale) pour que le pacte Dutreil puisse s’appliquer.

La réduction de 75% s’applique en matière de donation et de succession, peu importe que la mutation soit réalisée en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit.

Qui peut bénéficier d’un pacte Dutreil ?

La société dont les titres sont transmis à titre gratuit doit exercer une activité opérationnelle (industrielle,commerciale, artisanale, agricole ou libérale).

Sont ainsi expressément exclues les activités purement civiles. Les signataires du pacte Dutreil doivent s’engager collectivement à conserver les titres de l’entreprise transmise pendant au moins deux années à compter de l’enregistrement de l’acte.

Cet engagement doit porter sur 17% des droits financiers et 34% des droits de vote dans les sociétés non cotées, et 10% des droits financiers et 20% des droits de vote dans les sociétés cotées.

Il est également nécessaire que l’un des bénéficiaires poursuivent l’exploitation de l’entreprise durant l’engagement collectif de conservation (sauf engagement réputé acquis).

Les bénéficiaires doivent par ailleurs prendre l’engagement, – dans l’acte de donation ou de succession -, de conserver les titres transmis pendant 4 années à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation.

De plus, pendant trois ans à compter de la mutation à titre gratuit, l’un des bénéiciaires doit exercer son activité professionnelle principale dans la société s’il s’agit d’une société de personnes, ou une fonction de direction si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés.

Quelles sont les formalités à respecter dans le cadre d’un pacte Dutreil ?

La société dont les titres sont cédés à titre gratuit est tenue de remettre des attestations au redevable.

Ainsi, lors du transfert des titres, la société doit lui communiquer une attestation mentionnant que l’engagement collectif de conservation est en cours, et que les seuils de détention ont bien été respectés.

Après la fin de la période de l’engagement individuel de conservation, la société doit communiquer spontanément une attestation au redevable.

Si l’administration le demande, elle doit également lui adresser une attestation.

A noter que depuis le 1er janvier 2019, la société n’est plus tenue de produire une attestation annuelle mentionnant que les conditions de l’engagement de conservation sont remplies.

Vous souhaitez en savoir plus sur le pacte Dutreil ?

N’hésitez pas à nous contacter à ce sujet. Nous pourrons vous faire profiter de notre expertise en la matière afin d’éviter tout risque de remise en cause de l’exonération partielle par l’administration fiscale.


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A propos de l'auteur

Didier MAJEROWIEZ est Avocat au Barreau de Paris. Il possède 20 années d’expérience dans les domaines du droit fiscal, du droit du patrimoine, ainsi que du droit des sociétés.


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