Tontine : Définition et fiscalité en 2023

📝 Modifié le 12/10/2023 | Par Didier Majerowiez (Avocat)

La tontine est une clause d’un contrat prévoyant, en cas d’acquisition d’un bien en commun par deux ou plusieurs acquéreurs, que le dernier survivant sera réputé être le seul propriétaire de ce bien depuis l’origine.

La tontine repose ainsi sur deux conditions, à savoir la condition suspensive de la survie de l’un des acquéreurs, et la condition résolutoire du prédécès de l’autre (ou des autres acquéreurs).

Dans un arrêt en date du 3 février 1959, la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que, d’un point de vue juridique, il s’agit d’un contrat aléatoire à titre onéreux (Cour de cassation, Ch.civ.,1ère Sect. Civ. 3 février 1959).

Dans le cadre d’une tontine, les héritiers du défunt n’ont aucun droit sur le bien acquis en commun par les acquéreurs. Le prémourant est traité comme n’ayant jamais été propriétaire.

Cet article a pour objet de faire un point sur la définition de la tontine, ainsi que les conséquences fiscales susceptibles d’en découler.

Clause de Tontine : Définition et Fiscalité

Définition et règles juridiques de la tontine

Dans le cadre d’une tontine, des acquéreurs achètent en commun un bien, et prévoient dans l’acte, que le dernier survivant sera considéré comme le seul propriétaire du bien depuis la date de son acquisition.

L’acquéreur survivant n’est ainsi pas sujet à d’éventuelles revendications des héritiers du défunt concernant la propriété du bien acquis en commun.

Les héritiers du prémourant n’ont ainsi aucun droit sur le bien acquis en commun. Autrement dit, l’acquéreur survivant n’a aucun compte à rendre aux héritiers du prémourant.

Deux conditions sont requises pour que le contrat soit valable.

Il convient tout d’abord qu’il y ait un aléa réel de nature à caractériser à la fois la condition suspensive de la survie de l’un des acquéreurs, et la condition résolutoire du prédécès des autres acquéreurs en commun.

Des éléments sont susceptibles de remettre en cause le caractère aléatoire, comme une différence d’âge importante entre les acquéreurs, ou l’état de santé dégradé de l’un d’entre eux.

Ces éléments sont de nature à entrainer une disqualification du contrat en libéralité.

Pour que le contrat soit valable, il convient par ailleurs que les acquéreurs aient participé de manière équitable au financement de l’acquisition du bien.

Cela signifie que si un seul acquéreur a financé l’opération, la tontine pourrait alors dégénérer en donation déguisée. C’est d’autant plus vrai si l’acquéreur en question est plus âgé que l’autre acquéreur, et a de surcroît une santé dégradée.

Dans tous les cas, la clause de tontine ne produira ses effets que si elle est insérée expressément dans le contrat d’acquisition en commun.

En l’absence d’insertion de la clause de tontine dans le contrat d’acquisition en commun, ce sont les droits de mutation à titre onéreux (et non les droits de mutation à titre gratuit) qui peuvent s’appliquer (BOI-ENR-DMTG-10-10-10-10 n° 280).

tontine

Fiscalité de la tontine

D’un point de vue fiscal, l’article 754 A du code général des impôts prévoit que la part qui est transmise au survivant, à la suite du décès de l’acquéreur prémourant, est assujettie aux droits de succession.

Il existe une exception si l’acquisition porte sur un immeuble affecté à l’habitation principale commune des acquéreurs, et sous réserve que la valeur de cet immeuble n’excède pas 76.000 euros au moment du décès du prémourant.

Dans ce cas de figure, le survivant est soumis au droit de vente sur les immeubles, mais il peut malgré tout opter pour le paiement des droits de succession.

Pour que la clause de tontine soit utile et opportune, il convient que les acquéreurs soient exonérés de droits de succession.

C’est le cas notamment pour les partenaires d’un PACS.

Ainsi, lorsqu’une tontine est mise en place lors de l’acquisition d’un bien par les partenaires d’un PACS, le partenaire survivant obtient la pleine propriété, au moment du décès de son partenaire, en franchise de droits de mutation à titre gratuit.

De surcroît, les héritiers du partenaire pacsé prémourant n’ont pas leur mot à dire.

Il sera fait observer que si les acquéreurs sont concubins ou amis, le survivant serait alors imposé aux droits de succession au taux de 60% (taux de droit commun pour les mutations à titre gratuit entre étrangers).

Il existe toutefois des solutions permettant de réduire l’impact négatif de cette imposition.

La clause de tontine peut par exemple être insérée dans les statuts d’une société civile immobilière qui va acquérir le bien immobilier.

Dans ce cas, au décès de l’un des associés, les autres associés survivants acquièrent rétroactivement ses parts sociales.

Ce type de stipulation n’est pas expressément prévu par les dispositions de l’article 754 A du code général des impôts. Il s’ensuit que ce ne sont pas les droits de succession qui s’appliquent en pareille hypothèse, mais les droits de mutation à titre onéreux prévus en cas de cession de parts sociales (5% pour les sociétés à prépondérance immobilière).

Quoi qu’il en soit, il convient d’être prudent avec l’utilisation de la tontine, sachant que l’administration fiscale pourrait considérer que cette opération est constitutive d’un abus de droit fiscal.

Dans une décision en date du 6 mai 2021 (CADF/AC n° 4/2021, affaire n° 2021-08), le comité de l’abus de droit fiscal a considéré qu’une acquisition d’un immeuble par deux époux mariés sous un régime de séparation de biens constituait un abus de droit, sachant que l’état de santé fortement dégradé de l’acquéreur, qui a financé exclusivement l’opération, était connu de son conjoint, et ne laissait guère de doute sur son prochain décès.

Dans cette décision, compte tenu de l’absence d’aléa, l’épouse survivante s’est vu redresser avec une majoration de 80% pour abus de droit.

C’est d’autant plus regrettable que, conformément aux dispositions de l’article 796-0 bis du code général des impôts, en tant que bénéficiaire de la clause de tontine, l’épouse aurait été en droit de bénéficier de l’exonération des droits de succession au décès de son conjoint.

Vous souhaitez en savoir plus sur la clause de tontine ? Dans ce cas, vous pouvez nous contacter via notre formulaire de contact.


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A propos de l'auteur

Didier MAJEROWIEZ est Avocat au Barreau de Paris. Il a prêté serment en mars 2004. Il est un expert en droit fiscal, en droit du patrimoine et en droit des sociétés.


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